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« Vous imaginez manger tous les jours devant une scène de viol ? » : à l’hôpital, les fresques pornographiques suscitent toujours la controverse

Des médecins habillés en moines entourent une femme allongée, entièrement nue. A ses côtés, d’autres femmes, également dénudées, parfois perchées sur des talons hauts. Accrochée au mur du réfectoire des internes de l’hôpital Purpan, à Toulouse, cette peinture déclenche, en 2018, en plein mouvement #metoo, une vague d’indignation autour des fresques pornographiques, ces dessins présents sur les murs de nombreuses salles de repos d’internes en médecine.
Une dizaine d’internes, des femmes essentiellement, recouvrent la fresque d’un drap blanc, sur lequel on peut lire : « Ceci est du harcèlement sexuel. Qu’en pensez-vous ? » Une lettre ouverte est envoyée à la direction générale de l’hôpital, et réclame le retrait du tableau. Très vite, les auteurs de l’opération antifresque font l’objet de critiques virulentes. « De nombreux internes nous ont reproché de ne rien comprendre à l’humour carabin », retrace Julie Ferrua, infirmière et codéléguée générale de l’union syndicale Solidaires, qui a épaulé le collectif antifresque.
« Les employés de ménage tout comme les personnes livrant les repas dans les internats sont exposés à la fresque, pas uniquement les internes. La direction a fini par ordonner son retrait, mais de nouvelles scènes pornographiques ont fait leur apparition en 2021. Encore une fois, des internes nous ont alertés. L’hôpital a été plus réactif cette fois-ci », retrace Mme Ferrua.
En 2023, le gouvernement a demandé le retrait des tableaux à caractère sexuel ou sexiste dans les hôpitaux français. Mais dans certains établissements, ils sont encore présents. Le sujet reste sensible, controversé. Ici, on dénonce des images rétrogrades et empreintes de sexisme. « Vous imaginez manger tous les jours devant une scène de viol ? Quand on a été victime de violences sexistes et sexuelles, ça peut être très violent », s’indigne Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG, intersyndicale des internes en médecine générale.
Là, on défend cette tradition qui remonte au XIXe siècle, quand les études de médecine étaient réservées à une élite masculine, et qui ferait office de soupape de décompression. En 2023, le site d’informations médicales Egora sondait ses médecins lecteurs : 85 % se prononcent contre le retrait des fresques. « Elles perdurent parce que les internes les défendent », résume Christophe Verny, professeur de neurologie. Il se dit convaincu que les fresques n’ont plus leur place dans les hôpitaux, mais rappelle que, pour certains, elles représentent « une forme d’exutoire par rapport à la rudesse morale et physique de la vie d’interne ». Et explique ainsi la non-application de la circulaire ministérielle datée du 17 janvier 2023, demandant aux établissements de santé de retirer les fresques pornographiques dans l’année : « L’internat, c’est le bastion des internes dans cette structure très hiérarchique qu’est l’hôpital, ils le gèrent comme ils l’entendent. L’administration n’y met pas les pieds. On peut intervenir, mais il y a un risque non nul de voir réapparaître une nouvelle fresque dès que la précédente a été retirée. »
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